objectif zéro AT : erreur ou bonne idée ?

objectif zéro AT : erreur ou bonne idée ?

de l’idée d’une culture internationale de la prévention sans frontière….

 

Tout doit être parfait, l’Homme n’y est pas pour rien. Il semblerait que lui aussi doive être l’un des éléments de nos organisations lissées. A l’ère du droit à l’erreur, nous sommes de plus en plus nombreux à chasser l’accident comme un graal ! Nous devons tous être parfaits et nous confondons l’objectif, l’impatience, la manière et l’objet humain.

Depuis deux semaines, je lis de nombreux billets d’humeurs sur linkedin et sur d’autres supports concernant l’objectif zéro accident. Les préventeurs et quelques consultants se posent des questions sur cette approche.

« Objectif Zéro Accident : Je dis NON. Programme de développement de la culture de la prévention : je dis OUI. » extrait linkedin du 03/04

Cet objectif zéro accident est l’option choisie de quelques cabinets spécialisés autant dans le marketing que dans la prévention des risques professionnels. Les enjeux de la prévention des risques professionnels sont :

  • Humains
  • Économiques
  • Juridiques

Quelques-uns ajouteront l’image et le commercial, les deux points sont inclus, selon moi dans les enjeux humains et économiques voire juridiques par l’impact/ influence potentiel à travers les médias.

L’erreur serait de considérer l’enjeu principal comme étant économique ou juridique. Ces deux enjeux sont la conséquence du premier qu’est l’humain. Sans démagogie de ma part ni approche exclusivement sociale, l’événement non souhaité dès lors qu’il touche l’Homme à travers un événement ponctuel ou agissant sur le moyen-long terme est ce qu’il faut traiter.

Traiter l’accident, c’est un peu comme un film de série « z » qui s’évertue à donner des médicaments repoussant les effets d’une maladie sans jamais rechercher véritablement, ni traiter les causes profondes.

Une seconde erreur des démarches actuelles portées par de trop nombreux cabinets est cette approche standardisée venant d’une conception nord-américaine. N’oublions pas que ces bases sont liées aux industries à risques ainsi qu’à une vision manquant d’approche fiabiliste autour de l’Homme. Ces orientations sont également associées à une approche anglo-saxonne de la prévention des risques très différente de notre culture européenne.

Pour illustrer ce débat à travers la vision internationale au risque de digresser :

  • Au sein des groupes internationaux ayant leur siège en France, l’une des incompréhensions des comités de direction porte souvent sur le Tf du périmètre France plus élevé que dans d’autres pays… Sans m’étendre sur ce point (quelques articles sur mon blog rappellent des notions élémentaires), je vais revenir sur la comparaison USA -France pour seul exemple. Au-delà du Tf, j’invite chaque préventeur qui en a la possibilité à regarder, outre le Tf les coûts autour de la prévention et des obligations de chaque pays. Le système ‘worker’s compensation’ est autrement plus coûteux que notre système de sécurité sociale. D’un autre point de vue, il est beaucoup moins ouvert à réparation que notre système. Sans rentrer dans le détail, c’est un élément qui explique qu’en France les accidents soient plus nombreux et coûtent moins cher (forfait et faute inexcusable assurable financièrement).

La culture nord américaine associe l’objectif zéro accident à deux choses différentes de l’objectif premier de nombreuses équipes de direction :

  • Se situer dans une industrie de process à risque industriel majeur.
  • Un coût du sinistre corporel jusqu’à plus de 100 fois supérieur au même événement en France
  • Une quasi absence d’événements mineurs comme nous pouvons avoir en France (arrêts de moins de 10 jours par ex).

 

Le troisième point de cette approche néfaste, de mon point de vue, comme vous l’avez compris, est l’exclusivité dans le discours et les actes du zéro accident.

Les industries manufacturières sont des industries de main-d’œuvre comme les sont les artisans. Omettre l’objet de santé c’est regarder son compte de résultat chaque mois sans regarder ce que l’on veut faire de son entreprise à 5-10 ans. Si l’accident était l’unique objet de prévention dans les années 80… depuis notre environnement a changé.

Nous travaillons dans des entreprises qui depuis 30 ans doivent suivre les évolutions socioculturelles et socio-économiques. Les maladies professionnelles sont « arrivées » en masse depuis le début des années 90. Ce constat d’usure physique est complété, depuis quelques années par une usure « mentale ».

Face à cela répondre par le zéro accident comme seul objectif c’est se tromper de chemin avec le risque d’augmenter les pathologies physiques et mentales par l’inadéquation des actes vs attentes du terrain.

L’objectif zéro accident trouve une réplique, en ce moment avec des essais, nombreux, d’exosquelettes (http://www.hsseassist.com/2018/02/de-la-realite-augmenee-3.0-a-l-homme-augmente-5.0-mythe-ou-realite.html) Nous ne travaillons pas aux causes…nous pansons l’Homme en restant sur notre organisation traditionnelle du travail. A l’instar de la prévention des risques professionnels qui dispose des approches traditionnelles et culturelles de la prévention. Quel est le dirigeant ou l’ingénieur méthode qui se permettra de penser hors du cadre et concevoir une organisation « culturelle » du travail au sein de son organisation ?

 

Nous sommes trop nombreux à être persuadés que les accidents peuvent être évités en agissant sur l’Homme comme facteur essentiel de réussite. Certains sont encore convaincus qu’en expliquant que les accidents surviennent lorsque nos émotions : stress, préoccupation, …sont trop présentes et qu’il faut apprendre à les identifier pour les maîtriser.

Ce raccourci est un positionnement hors de propos pour tout préventeur. Il en oublie l’une des bases de l’activité humaine qu’elle soit intellectuelle ou manuelle : le prescrit n’est pas l’image parfaite du réel.

 

Hors du champ de l’approche systémique, je suis convaincu que vouloir « former » à des standards c’est être sur une ligne et un objectif de médiocrité, de faire comme les autres et ensuite « exiger » des résultats dans un contexte particulier (culture et environnement d’entreprise).

 

Pour finir, je vais revenir sur un constat récent lié aux excès de cette démarche à tout prix.

« Début mars, je suis chez un client pour une approche axée aménagement de poste dans un domaine que je connais plutôt bien.

Le directeur en fin de première journée me demande mon avis sur ce que j’ai vu, au-delà, du dossier nous intéressant.

Je lui parle de l’organisation des ateliers, des flux et du port des bouchons d’oreilles autant avec des points que je trouve positifs que d’autres qui me surprennent. Sur les points d’amélioration, à chaque sujet, j’ai droit à une réponse sous forme d’excuse ou d’impossibilité à faire autrement. Et sur un point précis, je suis presque taxé de menteur… le port des bouchons d’oreilles est quasi absent…

Lors de ma deuxième journée, un accident du travail se produit avec pour conséquences :

  • Appel et évacuation par les pompiers vers le CH à proximité
  • Plaie à la main droite
  • Chirurgie exploratoire
  • 12 points de suture dont deux tendons touchés de manière superficielle

Lorsque je suis revenu sur site quelques semaines plus tard… le compteur du nombre de jours sans accident de travail était à plus de 200 et l’ENS n’avait pas été intégré. ; car, a priori sans arrêt. »

J’ai éprouvé, à nouveau, dans cet établissement le défaut de l’objectif zéro accident. Derrière celui-ci, on parle très souvent de Tf (accidents avec arrêt). L’accident, bien que potentiellement grave, n’a pas fait l’objet d’une analyse poussée. La pratique ayant mené à cet événement n’a pas été corrigée sur le fond. Atteindre le résultat peu importe les moyens pourrait être la maxime de trop nombreuses entreprises faisant la course au « zéro AT ».

Atteindre la culture de prévention doit se voir selon son secteur d’activité et sa culture d’entreprise. Il est inopportun d’agir uniquement par le biais de formation sans se soucier du coeur de l’organisation dans laquelle on intervient. le secteur d’activité, les fondateurs sont aussi importants que le pays pour une approche de prévention

Notre force, chez Griphe, est de travailler concrètement avec vous au préalable à tout accompagnement. Mes relais du blog en Afrique, en Amérique du Nord et dans toute l’Europe montre cette importance et cette richesse de la prévention.

Au plaisir d’échanger et de vous accompagner 😉

vision zéro blessure

Jérôme

 

  • Henri

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    14 avril 2019

    Hello
    Je suis totalement en phase avec toi !
    A+

  • 26 avril 2019

    Superbe article que je rejoins entièrement et pour cause se sont les travers que je combats dans mon entreprise depuis plusieurs années (secrétaire de chsct) et les solutions que je propose également mais la culture sécurité de celle-ci est bien trop ancrée pour faire bouger les lignes. Néanmoins j’essaie de rester optimiste, des fois les choses finissent par changer.
    Merci

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